La route de Bahariya
Petit déjeuner composé de thé pain plat, confiture de figues (Vitrac) et fromage blanc salé. Saied s’en va emportant son téléphone cellulaire et la possibilité d’échapper aux contrôles militaires. Dur de se faire rouler… Mohamed est un gradé, bien qu’appelé, il est salué comme tel au check point. De pauvres soldats restent trois jours durant auprès d’une barrière faite de bidon pour noter le numéro des véhicules et l’autorisation des conducteurs. Mohamed a droit à dix jours de permission tous les dix jours pour retrouver sa famille au Caire. Le long de la route nous refaisons le plein d’eau. L’eau jaillit sous pression et chaude, nous en profitons pour faire une toilette succincte.
Nous quittons un moment la route, pour visiter une oasis désertée. Il reste quelques palmiers, mais l’eau, chargée de sel, est devenue impropre aux cultures. Il y a une colline faite de coquillages usés, ronds et plats. Ils ressemblent à des pièces de monnaie. Nous sommes riches. Nous nous proposons d’acheter le désert. Autre attraction, les tombes, datant de l’époque romaine, creusées à la base des falaises de calcaire blanc, sur plusieurs étages. Elles ont été ouvertes par l’érosion ou des chercheurs de trésors. Comme celles de la montagne des morts de Siwa, elles contiennent des restes de momies et de nombreux ossements. Des traces de serpents incitent à la prudence. Peu de dessins ont résisté au soleil. C’est un endroit maudit : tous les gens qui vivaient là sont morts ! Une autre oasis plus grande, mais également désertée offre à son tour son lot de tombes et un étang d’eau salée, bordée de roseaux. De gros monticules stratifiés ressemblent à des méduses. Nous avons parfois l’impression de marcher sur un fond marin. Nous faisons une pause déjeuner. Quelques morceaux de palmier sont enflammés avec un peu d’essence. La théière émaillée entre aussi tôt en service. Mohamed, resté simple en dépits de ses galons, prépare la salade, tomates, concombres, oignons et, le plus délicat, des boites de thon ouvertes au couteau avec une dextérité qui trahit un entraînement intensif. Un groupe de tout-terrains passent non loin. Soliman, plutôt paisible, va s’animer un peu pour les dépasser, avec le plaisir de ne pas s’en laisser compter par des petits jeunes… La nuit tombe. Le septième contrôle est l’occasion de la prière pour Soliman. Nous arrivons de nuit à Bahariya. Nous n’en découvrons qu’une rue faiblement éclairée. Nous déposons notre escorte à la caserne locale, il repartira demain avec une autre voiture. Soliman a un ami qu’il veut saluer. Il s’enfonce dans un dédale de maisons basses en pisé. Nous l’attendons un moment dans la voiture. Ahmed nous invite à prendre le thé chez lui. Une salle de réception couverte de tapis, au mur une photo de Médine et une d’un safari à dos de chameau où il est le guide. Un enfant a apporté le thé, Soliman et Ahmed échangent des nouvelles, puis nous repartons pour trouver un campement. Ahmed a un garçon qui semble simplet. Il nous regarde, perplexe. Je demande en arabe à Ahmed son âge pour lui montrer que je parle arabe. Il éclate de rire en s’écriant « oh la la » en arabe, et coquet, il n’a pas répondu. La nuit suivante, dans le désert blanc, Soliman nous posera la question, ce qui sera un grand moment pour un cours sur les chiffres en arabe et leur conversion en nos chiffres français. Tout cela écrit dans le sable fin comme de la maïzena, aussitôt effacé lorsque nous faisons une erreur.
Soliman nous conduit à la seule dune de Bahariya. Un feu de palmier est allumé à l’essence. Comme d’habitude la théière entre en service. A la lumière de notre frontale, nous coupons quelques légumes, carottes pomme de terre, non épluchées, tomates, oignons. Soliman ajoute des morceaux de poulet qu’il vient d’acheter à l’alimentation locale pour corser le ragoût, qu’un volumineux plat de riz accompagnera. Nous sortons nos duvets pour une deuxième nuit sous les étoiles. Les chaussures soigneusement rangées à l’intérieur du sac de couchage, comme les vêtements d’ailleurs, pour ne pas tenter les fennecs.